Le talent est dans le fruit

Guillaume ne veut rien faire de sa vie. Fier comme un bar tabac d'être considéré comme un "rebut de l'humanité". Il provoque. Comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Au milieu de ses amis petits bourgeois dans un appart du boulevard St Germain, il démonte pièce par pièce leur petit bonheur de pacotille.

"Je suis le seul à ne pas avoir de montre. C'est à ce détail que l'on reconnait les cons ou ceux qui le sont devenus." Et cette phrase qui tue à une jeune femme, un peu trop coincée, une allusion à une utilisation fort savante de sa langue si vous voyez ce que je veux dire..Allez, ne dites pas que ça ne vous a jamais démangé de taper du pied dans la fourmillière. C'est délicieux..

Guillaume, c'est le héros du "Petit Malheureux" de l'éponyme Guillaume Clémentine. Comme le fruit du même nom, il peut se révéler, après décorticage, amer ou très sucré. Son personnage est truculent et son écriture savoureuse. Le glandeur, un personnage parfait. On en rêve tous en notre fort intérieur. D'ailleurs, je soupçonne tous les hyperactifs d'être des glandeurs qui se soignent..difficilement! L'envie les prend parfois de se laisser aller..mais hop, le déclic. Et ça repart.

Guillaume, lui assume avec beaucoup de cynisme. Il a un regard très juste sur notre société de consommation. Vieux de 10 ans, ce roman anticipe ce que nous sommes devenus. Avec pour repère, le dernier téléphone portable haut de gamme. Guillaume, c'est notre miroir.Un anar rigolo et ce programme politique en 10 points. Hilarant. Je retiendrai le neuvième: "Par un processus de colorisation compliqué,devenir tous noirs, comme ça on aura tous des gros sexes"

Mais il n'y a pas que son mordant, il y a aussi toute sa tendresse. Ses regards alanguis sur les seins d'une caissière ou cette femme fantasmée de l'ANPE. Car, finalement il tente d'y retourner..au turbin. Dans ce droit chemin que nous dicte la société. Mais, il a un atout: le rêve qui lui permet de s'échapper.

Ce premier roman est étonnant. Tellement abouti. Un grand merci à Cécile de Quoideneuf de me l'avoir proposé..à la lecture..Il est épuisé, paraît-il. Alors, de ce pas, je demande au Serpent à Plumes, une réédition. Au nom de tous les glandeurs que nous sommes! Ce "Petit Malheureux" est une belle thérapie contre la morosité et la monotonie ambiante...